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Droit fiscal, Litige

Cryptoactifs et Droit des Valeurs Mobilières : Un Bouleversement au Québec

10 septembre 2025

Par Martin Bédard et Barry Landy

Une décision récente du Tribunal Administratif des Marchés Financiers (« TAMF » ou « Tribunal ») vient réexaminer la qualification juridique des cryptoactifs dans le droit des valeurs mobilières[1].

Dans ce dossier, l’Autorité des Marchés Financiers (« AMF ») cherchait à obtenir des ordonnances d’interdictions et des ordonnances de blocage à l’encontre des intimés. Les intimés agissaient principalement comme influenceurs financiers sur les réseaux sociaux en lien avec les cryptomonnaies. Principalement, l’AMF alléguait que ces « Finfluenceurs » avaient violé la Loi sur les valeurs mobilières du Québec (« LVM ») en mettant en place un stratagème de manipulation connu sous le nom de « pump and dump » de cryptoactifs.

Le Tribunal accordera seulement deux des interdictions demandées par l’AMF en lien avec des agissements de courtage sans être inscrit. Mais plus significatif, le Tribunal est venu réexaminer le droit applicable aux mesures conservatoires et aux cryptoactifs, notamment quant à leur qualification à titre de contrat d’investissement assujettis à la législation en valeurs mobilières :

  • Cryptoactif et contrat d’investissement: Un investisseur qui transige des cryptoactifs ne conclut pas un contrat d’investissement et leur « manipulation » ne peut constituer une infraction à la LVM puisque ces actifs ne sont pas des valeurs mobilières;
  • Réseaux Sociaux: Offrir au public des abonnements à des groupes sur les réseaux sociaux où sont discutés les cryptoactifs et où sont donnés des signaux d’achat-vente n’est pas un contrat d’investissement;
  • Fardeau de Preuve: hormis certaines exceptions, le fardeau de preuve applicable en lien avec les demandes en mesures conservatoires requiert une preuve probante et prépondérante et non une preuve prima facie.

Ces conclusions rendaient dès lors inapplicables les dispositions et infractions prévues à la LVM. Autrement dit, s’il n’existe pas de contrat d’investissement, il n’y a pas de valeur mobilière et la Loi sur les valeurs mobilières ne trouve pas application.

Ces trois conclusions constituent un réexamen et un changement majeur en droit des valeurs mobilières. Le Tribunal a notamment choisi de suivre la voie tracée par la jurisprudence américaine récente dans l’affaire Ripple[2]. Cette décision distingue le cas de vente de cryptoactif par les promoteurs qui peut se qualifier de contrat d’investissement, des ventes faites par des investisseurs sur des plateformes d’échanges décentralisées, qui ne se qualifient pas de contrat d’investissement.

Rédigé par Me Martin BédardMe Barry Landy et Me Francis Donovan

Pour l'analyse détaillée, cliquez ici.

[1] Autorité des Marchés Financiers c. Gagnon et al., Tribunal Administratif des Marchés Financiers, 2024-033-002, 22 août 2025.

[2] Securities and Exchange Commission c. Ripple Labs inc., Bradlye Garlinghouse and Christian A. Larsen, 2023 US Dist. LEXIS 120486 (SDNY July 13, 2023 (United States District Court – Southern District of New York).