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Droit fiscal

Impôt et cryptomonnaie - 4 éléments pour bien se préparer à une vérification fiscale

7 août 2025

Par Jonathan Éthier et Marjorie Bergeron

Le milieu de la cryptomonnaie et des jetons non fongibles (NFT – non-fungible tokens en anglais) est en pleine effervescence. Conceptuellement, ils se ressemblent en ce qu’ils se transigent sur la blockchain. Ce qui caractérise les jetons non fongibles sera leur unicité, leur identité propre, alors qu’un bitcoin est identique à un autre bitcoin, à l’instar d’un euro ou d’un dollar.

Les autorités fiscales (Revenu Québec, ARC) consacrent un bon nombre d’effectifs à s’assurer que les contribuables œuvrant dans la cryptomonnaie remplissent leurs obligations fiscales adéquatement. Les larges pouvoirs de vérification fiscale prévus par la législation applicable viendront tester les données déclarées et la bonne foi des investisseurs en cryptoactifs (l’impôt payable se fonde sur les principes d’autodéclaration et de l’autocotisation des contribuables).

Par exemple, avec l’instauration du formulaire TP-21.4.39 (Déclaration relative aux cryptoactifs) qui doit être joint à une déclaration de revenus du Québec, les autorités cristallisent une obligation d’informer Revenu Québec de la détention de cryptoactifs divers, et ce, même s’il n’y a pas de transaction. L’omission peut entraîner des pénalités.

Le formulaire doit être soumis par tout contribuable ou société de personnes qui, dans une année d’imposition ou un exercice financier, selon le cas, possède, reçoit ou aliène un cryptoactif, ou l’utilise dans le cadre d’une transaction. Les renseignements à fournir visent notamment les gains et pertes en capital, les revenus et pertes d’entreprise et les revenus d’intérêts afférents aux cryptoactifs (bitcoins, NFT, ether, etc.).

Une vérification fiscale pourrait viser à tester la conformité des informations déclarées au sein du formulaire TP-21.4.39.

En plus des considérations relatives à l’impôt, les lois visant les taxes à la consommation ont aussi été modifiées pour être adaptées à ces produits. Notamment, l’article 188.2 a été ajouté Loi sur la taxe d’accise (TPS) pour y définir les « cryptoactifs » dans le but précis d’appliquer la TPS/TVH aux activités de minage de cryptoactifs dans certaines circonstances.

D’ailleurs, si vous exercez une activité de minage de cryptoactifs, la valeur des cryptoactifs reçus en contrepartie de cette activité doit être incluse dans votre revenu d’entreprise au moment où elle est gagnée.

Pour s’assurer d’une vérification aussi agréable que possible, certains éléments peuvent être considérés afin d’être prêt à défendre votre position (revenu d’entreprise (ou perte), gain en capital (ou perte), prélèvement (ou non) des taxes à la consommation.

-1- Avoir des registres clairs et pertinents

De façon générale, quiconque exploite une entreprise ou est tenu de déduire, retenir ou percevoir un montant en vertu d’une loi fiscale doit tenir des registres refermant les renseignements permettant d’établir tout montant qui doit être déduit, retenu, perçu ou payé en vertu d’une loi fiscale.

En vue de faciliter toute vérification en cryptomonnaie, il importe que les registres comptables permettent d’identifier les revenus perçus et les dépenses d’exploitation effectuées pour calculer le revenu net généré en crypto.

Des registres déficients représentent une invitation pour les autorités fiscales à poser plus des questions, voire à « ouvrir la prescription » en matière de cotisation.

Assurez-vous que vos registres renferment pour chaque transaction le nombre d’unités, la nature précise du cryptoactif, la date et l’heure, la valeur en dollars canadiens, une description de la transaction et de l’autre partie à celle-ci, les adresses de chaque portefeuille numérique, le solde initial du portefeuille, son coût, et le solde final.

-2- Vérifier si une disposition de cryptoactifs a eu lieu

Certaines opérations moins traditionnelles en cryptoactifs pourraient générer un gain ou une perte en capital, un revenu ou une perte d’entreprise, voire aucune conséquence fiscale du tout.

Par exemple, dans le contexte d’une plateforme d’échange et prêt de cryptoactifs permettant le dépôt de bitcoins en échange d’un rendement variable, l’ARC a exprimé qu’il était probable que le dépôt constitue une véritable disposition de bitcoin selon la législation applicable (Cf. 2023-0993641C6). En effet, dans ce cas, l’ARC semblait voir un transfert de propriété des bitcoins considérant le droit de la plateforme pertinente d’utiliser les bitcoins, d’en tirer les profits et d’en disposer à sa discrétion.

Également, une fraude ou un vol faisant en sorte qu’un contribuable perd accès à sa cryptomonnaie peut générer une perte déductible selon l’ARC en fonction des circonstances (Cf. 2023-0982911C6).

Dans la mesure où une certaine position de déclaration est adoptée par un contribuable, avoir la documentation afférente à l’opération sera de mise pour soutenir son point auprès d’un vérificateur, comme tout contrat avec une plateforme centralisée, ou encore un exposé des faits clairs et documentés entourant le vol de cryptoactifs.

-3- Documenter la valeur de son portefeuille

Les incidences fiscales propres aux cryptoactifs sont directement fonction de leur valeur respective.

Par exemple, pour l’application de la TPS/TVH et de la TVQ, lorsqu’une entreprise reçoit un paiement en cryptomonnaie pour des biens ou services taxables, elle devra déterminer la valeur de cette cryptomonnaie. Les taxes à percevoir seront calculées selon la juste valeur marchande de la cryptomonnaie au moment où la transaction est effectuée. À ce sujet, l’utilisation de la cryptomonnaie pour payer des biens et des services est un exemple courant de la disposition d’un cryptoactif. Étant donné que l’ARC ne considère pas la cryptomonnaie comme une monnaie émise par le gouvernement, l’utilisation de la cryptomonnaie comme paiement pour des biens ou des services est traitée comme une opération de troc aux fins de l’impôt sur le revenu. L’ARC considèrera que vous avez disposé de cryptomonnaies si vous les utilisez pour payer des biens et des services auprès d’un vendeur. En revanche, le vendeur doit inclure dans ses revenus la valeur des biens ou services fournis ou la valeur de la cryptomonnaie acceptée en paiement, selon ce qui est le plus facilement évaluable.

La conservation de tout document pertinent permettant d’établir comment toute valeur d’un portefeuille de cryptoactifs a été fixée est de mise et devrait être fournie en vérification, conservée en amont.

L’ARC est d’avis que « vous pouvez choisir un taux de change provenant du même courtier en bourse que celui que vous utilisez ou une moyenne des valeurs élevées/faibles/à l’ouverture/à la fermeture pour un certain nombre de courtiers en bourse à fort volume pour déterminer la valeur » (document Renseignements pour les utilisateurs de cryptoactifs et les professionnels de l’impôt).

-4- Conserver ses pièces justificatives

Certains contribuables peuvent financer leurs achats de cryptoactifs par voie d’endettentement ou encore recourir à des stratégies payantes de marketing pour promouvoir leur inventaire de NFT. Les dépenses afférentes à un revenu d’entreprise découlant des cryptoactifs peuvent être multiples.

Être en mesure de fournir ses pièces justificatives sur demande à tout vérificateur fiscal permettra d’éviter un refus facile d’une dépense fondée fondé sur l’absence de pièce au soutien de celle-ci. Pensons par exemple à tout contrat de prêt, factures de fournisseurs web ou des relevés bancaires.

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Me Jonathan Éthier est associé en litige fiscal chez Spiegel Ryan LLP. Il peut être joint au 514-875-7878 ou par courriel au jethier@spiegelsohmer.com

Me Marjorie Bergeron est avocate en planification fiscale chez Spiegel Ryan LLP. Elle peut être jointe au 514-808-4007 ou par courriel au mbergeron@spiegelsohmer.com